Les difficultés de sommeil chez le jeune enfant se traduisent souvent par des réveils en plein milieu de la nuit, accompagnés de pleurs et de cris. Ces réveils désagréables sont certainement dû à des cauchemars violents ou à des terreurs nocturnes. Mais attention, on n’accompagne pas les deux de la même façon !
Alors comment les différencier et que faire ?
Les cauchemars
A partir de quel âge bébé fait-il des cauchemars ?
L’apparition des cauchemars se situe à partir de l’âge de 6-8 mois, c’est-à-dire à partir du moment où le bébé n’est plus en fusion totale avec sa mère ou sa figure d’attachement primaire. Les cauchemars sont donc en partie liés au processus de différenciation du tout-petit. C’est également une période très symptomatique du développement de l’enfant, appelée aussi « angoisse du 8ème mois » (R. SPITZ), qui peut s’accompagner d’une « peur de l’étranger » et d’angoisses de séparation.
Passé les premières années de vie, les cauchemars prennent une place plus importante entre les 3 et 6 ans de l’enfant. Une période où l’enfant doit faire face à des difficultés émotionnelles plus fortes et souvent inconscientes. C’est la fameuse phase du complexe d’Œdipe où l’enfant prend conscience de l’importance de la différence des sexes dans les rapports sociaux, surtout de son identité sexuelle à lui mais aussi du conflit entre des sentiments contradictoires d’amour et de haine. Toutes les pulsions naissant de ces apprentissages ne sont plus contenues dans la capacité de se représenter les choses mentalement. Le rêve cesse alors d’être un gardien du sommeil.
Que faire et comment réagir?
En plein milieu de la nuit, alerté par les pleurs et cris de votre enfant, il n’y a pas de secret ! Quel que soit son âge, il est important de le prendre dans vos bras et de tenter de l’apaiser, de le rassurer, par votre voix douce et des bercements.
Plus grand, il est conseillé de le faire parler, faire sortir le cauchemar par la parole en quelque sorte. Mettre des mots sur ce qu’il a vu et ressenti permet de construire une narration qui va l’aider à symboliser et contextualiser sa peur. L’objectif et de permettre à l’enfant de se recentrer sur le temps du réel et de dissocier le rêve et la réalité.
Peut-on prévenir ou éviter les cauchemars?
Bien qu’il s’agisse d’une peur réelle, il n’y a rien de pathologique à avoir des cauchemars : ils sont inscrits dans le développement de l’enfant. Le cauchemar sert d’exutoire et d’évacuation des émotions et permet de digérer le conflit psychique.
On ne peut donc pas éviter les cauchemars mais on va pouvoir augmenter le sentiment de sécurité de l’enfant. Comment ?
- En étant à l’écoute des besoins de votre enfant tout au long de la journée, en répondant à ses sollicitions et en partageant avec lui des moments de complicité et de joie, vous développez son sentiment de sécurité intérieure ;
- En mettant des mots sur ses émotions et ses ressentis et en utilisant le jeu et l’expression artistique, vous lui apprenez à comprendre et à mieux gérer les émotions négatives ;
- En lui offrant un cadre clair avec des règles et des limites bien définies, vous l’aidez à construire sa pensée et à comprendre son environnement, le monde et les relations sociales.
En revanche, il conviendra de vous tourner vers un accompagnement psychologique professionnel si :
- Les cauchemars sont trop fréquents et très intenses ;
- Ils entrainent l’apparition d’une peur du coucher ;
- Le contenu est répétitif ;
- Votre enfant présente un changement de comportement le jour.
Les terreurs nocturnes
Mon enfant fait des terreurs nocturnes
Ces dernières ne sont donc pas à confondre avec les cauchemars. Bien moins fréquentes — seulement 1 à 3 % des problèmes de sommeil en proviennent — elles se manifestent (mais pas obligatoirement !) un peu plus tard, vers l’âge de 9 mois.
En effet, elles apparaissent à un autre moment du cycle de sommeil, celui du sommeil lent profond (contrairement aux cauchemars qui apparaissent au moment du sommeil paradoxal), caractérisé par des ondes cérébrales lentes.
L’enfant ne se réveille pas, il est retrouvé généralement allongé dans son lit, avec les yeux grands ouverts exprimant la peur ou la panique. Il peut crier et avoir les membres agités. Sa fréquence cardiaque et respiratoire est accélérée. On peut avoir le sentiment qu’il cherche à s’échapper ou à se protéger d’une menace extérieure. La crise peut durer entre quelques minutes et une demi-heure avant que l’enfant ne se rendorme.
Le lendemain, l’enfant ne se souvient plus du tout de ce qui s’est passé, et il ne rechigne pas non plus à retourner au lit (chose inversement fréquente avec les cauchemars).
Que faire et comment réagir?
Il ne faut surtout pas réveiller l’enfant ! Il sera dans un état de confusion encore plus douloureux et ne pourra pas communiquer.
Il faut cependant être présent pour ne pas qu’il se fasse mal.
Les terreurs nocturnes n’ont pas de signification symbolique. Il n’y a donc pas d’utilité à pousser l’enfant à s’exprimer sur le sujet, il n’en a de toute façon aucun souvenir !
Rituels du soir pour un sommeil apaisé
De manière générale, pour favoriser un sommeil de qualité la nuit, il va être important d’adopter un rituel pour le coucher qui favorise la sécurité affective et l’apaisement.
Il convient de noter en premier lieu qu’il est très difficile pour les enfants comme pour les adultes, de passer brutalement d’une activité au sommeil. En tant que parent, votre rôle est de bien observer votre enfant pour repérer les signes de sommeil et d’endormissement.
Il est important de ritualiser ce temps de coucher. Cela veut dire qu’il doit y avoir un début et une fin et que ce temps doit se répéter de la même manière chaque soir. Encadré par le parent, qui va être son donneur de temps mais aussi une présence rassurante pour faire du soir un moment agréable, l’enfant reconnaît les habitudes et va peu à peu conditionner son cerveau au fur et à mesure du rituel : (dire au revoir à tout le monde, se brosser les dents, faire un petit jeu dans le noir etc).
L’enfant a besoin d’une phase calme, définit par le lieu (généralement sa chambre) et l’activité (jeu calme de recentrement sur soi, lecture…). Ainsi on évitera les écrans de toutes sortes et les jeux excitants (physiquement mais aussi mentalement).
Le parent va étayer ce moment par la voix, en prévenant l’enfant de ce qui l’attend et en montrant que c’est un temps aussi agréable qu’un autre. Autant vous dire, que si le parent est stressé d’avance que son enfant ne s’endorme pas vite, ou qu’il a peur de rater le début de son émission favorite, il y a peu de chance qu’il transmette calme et sérénité ! L’idée est d’apaiser l’enfant dans un moment de qualité relationnelle.
Attention à ne pas tomber dans les pièges de représentation des adultes : par exemple, avant deux ans, le bébé n’a pas besoin d’une veilleuse ou de lumière pour dormir. Par ailleurs, il est tout à fait possible de lire à votre enfant des histoires qui font peur, si bien sûr elles sont adaptées à son âge et si surtout vous êtes présent pour l’accompagner et répondre à ses questions.
En revanche, des choses insidieuses peuvent perturber son sommeil sans que l’on y prête attention : le journal télévisé de 20h allumé en fond, une dispute parentale ou entre ses frères et sœurs, un coup de téléphone stressant etc
Le rêve ne pense ni ne calcule ; d’une manière générale il ne juge pas : il se contente de transformer.
Sigmund Freud
Je ne vais pas parler de l’histoire de la genèse des rêves ou de leur intérêt pour la maturation cérébrale. Tout le monde rêve (même les animaux), mais cela ne veut pas dire que tout le monde s’en souvient ! Les rêves, cauchemars ou terreurs nocturnes permettent à notre cerveau d’intégrer les nouvelles connaissances qu’il a acquis durant la journée. Il va en stocker certaines, en oublier d’autres, et les trier du mieux qu’il peut avant de recommencer à intégrer de nouvelles informations la journée suivante.
Ce processus est parfaitement inconscient, mais parfois l’intensité de l’information ou de son tri peut rendre les choses un peu chaotiques et trop lourdes à porter, d’où la naissance des cauchemars. Et puis, il ne faut pas oublier qu’enfant, il existe des bénéfices secondaires aux cauchemars : la présence de l’adulte à ses côtés, les câlins… ce n’est pas toutes les nuits !
Il ne faut pas oublier également qu’une situation stressante chez les enfants qui dorment généralement bien peut entrainer un trouble du sommeil transitoire (maladie grave, perte, changement…). Pour autant, il est conseillé de conserver le rituel d’endormissement déjà mis en place avant l’événement. Cela pour éviter la formation de nouvelles habitudes anormales comme s’endormir dans le lit de quelqu’un d’autre, à une heure tardive ou la lumière grande allumée par exemple.
Enfin pour finir, je me permets de vous alerter sur le fait qu’un enfant qui se réveille dans la nuit pour X raison et s’occupe tout seul sans appeler personne, est un enfant qui ne va pas bien, qui présente certainement des signes de carence affective voire de dépression. Soyez vigilant à ce sujet!
Le sommeil du jeune enfant n’est pas à prendre à la légère !